De la joie à l’amour, de l’amour à l’âme, de l’âme à Jésus
Le comment de la joie : Lâcher son moi, valoriser ses peines, accueillir l’Amour
I- Anecdote de Saint Francois d’Assise :
Un soir d’hiver, Saint-François d’Assise cheminait en compagnie de Frère Léon, de Pérouse à Sainte-Marie-des-Anges. Chemin faisant, il réfléchissait à voix haute sur la joie parfaite et sur tout ce qu’elle n’était pas :
« Elle n’est pas la sainteté, elle n’est pas les miracles, ni la connaissance totale, ni l’omni-science, elle n’est pas la connaissance de la langue des anges ».
– Frère Léon l’interroge alors : « Mais alors où est la joie parfaite ? »
– Saint-François d’Assise dans sa réponse ne cite pas la prière, ni la contemplation, mais poursuit ainsi :
« Quand nous arriverons à Sainte-Marie-des-Anges, ainsi trempés par la pluie et glacés par le froid, souillés par la boue et tourmentés par la faim et que nous frapperons à la porte du couvent et que le portier viendra en colère en disant : » qui êtes-vous ? « . Et que nous lui répondrons : » Nous sommes deux de vos frères « , et qu’il ajoutera : » Vous ne dites pas vrai, vous êtes deux ribauds qui allez trompant le monde et volant les aumônes des pauvres ; allez-vous-en ! « . Et quand il ne nous ouvrira pas et qu’il nous fera rester dehors dans la neige et la pluie, avec le froid et la faim, jusqu’à la nuit ; alors si nous supportons avec patience, sans trouble et sans murmurer contre lui tant d’injures, tant de cruauté et tant de rebuffades, et si nous pensons avec humilité et charité que ce portier nous connaît véritablement, et que Dieu le fait parler contre nous, ô frère Léon, « écris que là est la joie parfaite ». Anecdote de Saint Francois d’Assise dans Les Fioretti de Saint François, Points Sagesse, Seuil, 1960.
II – La joie et le lâcher prise :
Cette histoire nous démontre que la joie se trouve dans le détachement complet qui permet la relation à l’autre, mais aussi au Divin et à l’univers. En effet, lorsque nous cessons de tirer nos joies et nos peines de notre ego et de notre mental, lorsque ceux-ci ne contrôlent plus nos vies et ne sont plus aux manettes, plus rien ne peut nous atteindre et il en résulte une joie infiniment grande.
Il s’agit en fait de la technique du lâcher prise qui permet d’atteindre la voie de la libération puis la voie de l’amour qui conduit à la joie.
Pourtant, exiger de son ego et de son mental qu’ils ne soient pas aux commandes de notre être et de notre vie est un chemin difficile. Cela réclame de gros efforts consentis et voulus. On peut malgré tout y arriver, de manière progressive. Il faut simplement savoir les transformer, les dépasser, et avancer pas à pas sur le chemin de cette libération. On y arrive en surmontant chacune de nos déceptions et de nos difficultés. On y parvient quand chacune de nos foulées ouvrent davantage notre esprit et nous conduit sur un chemin intérieur qui nous relie d’abord à nous même, puis aux autres.
La joie parfaite n’est donc pas quelque chose d’instantané, ce n’est pas une récompense, mais une disposition qui accompagne. Dans cet état d’esprit, on peut atteindre la joie pure qui n’est autre en fait que la joie de vivre. Une sorte de grâce qui serait faite pour durer, un état permanent que l’on aurait en nous, comme une conscience élargie qui relie au monde dans une attitude aimante. On retrouve alors cette joie de l’enfance retrouvée ; quelque chose de naturel, d’immédiat et d’actif.
Il est en effet est très important de garder une âme d’enfant pour être joyeux. Dans la bible Jésus a reconnu la grande sagesse de l’enfance. Il leur dit que S’ils ne changent pas, s’ils ne deviennent pas comme ces petits enfants, ils n’entreront pas dans le royaume des cieux – Lire Marc 10 ; 13-16 Effectivement, ce n’est que dans le lien de la chaleur simple et obéissant d’un cœur d’enfant que l’on est éblouissant de sagesse et de joie. La joie donne véritablement sens à sa vie et il est bon d’ y prendre le plus grand soin. Elle est donc possible avec le lâcher prise ; c’est à dire dans un effort conscient pour gagner en liberté intérieure et recréer du lien en faisant exploser notre petit moi rabougri pour l’ouvrir à une dimension plus grande. Autre !
La joie en fait est en nous, mais finalement nous l’étouffons complètement par notre mental et notre ego. Nous avons le don de nous compliquer l’existence.
III – Atteindre la joie en valorisant ses peines :
→ Pour être dans la joie, il est aussi nécessaire de valoriser nos peines et souvent il faut s’être aventuré loin dans la douleur et la frustration pour renouer avec les sensations de la vie. Un ami me disait un jour, au moment des fêtes de fin d’année : « Je te souhaite des moments de joie, mais aussi de lassitude, car là aussi réside le vrai bonheur ». Le psaume 126 nous dit également que : « Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent dans la joie». Jésus lui nous enseigne : « Heureux vous qui pleurez maintenant car vous serez dans la joie ». Les béatitudes Luc 6
→ Je vous rappelle ces des deux alexandrins, merveilleux, de RIMBAUD tirés du « Bateau Ivre » dont le naufrage est salutaire. Ils vont dans ce sens. Nous devrions tous faire nôtres ces alexandrins car dans nos vies nous nous échouons tous :
« La tempête a béni mes éveils maritimes, plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots ».
On saisit la notion de bonheur et de joie. La tempête est le tourment, mais elle est une bénédiction. Elle a porté le poète sur d’autres rivages et pour aller plus loin dans un autre état d’esprit, à tel point qu’il ne souffre plus car il a enfin trouvé sa voie. Il est dans une liberté intérieure et donc dans la joie. Là on rejoint complètement St François d’Assise cité ci-dessus lorsqu’il dit « ô frère Léon, écris que là est la joie parfaite ». Autrement dit, lorsque nous sommes capables de dépasser nos souffrances nous sommes dans un autre état d’esprit, celui de la construction, on ressent alors une joie infinie.
IV – La Joie résulte de l’Amour de Dieu qui circule en nous et autour de nous :
Laissons pour cela entrer en nous l’Esprit-Saint qui frappe sans cesse à notre porte. Soyons disposés à l’accueillir. Pour cela encore, écoutons le message d’espérance de l’évangile, ayons le goût de l’autre et aimons-nous les uns les autres.
En corse, « aimez-vous les uns les autres » se dit «TENIDEVI CHARI ». Cette manière de traduire la parole de Jésus sous-entend presque une proximité physique, charnelle, comme dans une étreinte (« Tenidevi » signifiant mot à mot « tenez-vous physiquement» ; on entrevoit la notion de fusion). La seule façon d’adhérer à la joie ne serait donc pas celle-ci, savoir se sentir enveloppé de l’amour de Jésus et de celui des autres. La joie ne viendrait-elle donc pas de notre capacité à aimer et à se sentir aimer et de notre aptitude à croire en la puissance de l’amour ? Le lâcher prise, n’est-il pas cela ?
V – En résumé :
Pour résumer notre propos, nous voyons bien que la joie se rencontre dans beaucoup de choses, mais elle a toujours pour clé L’AMOUR. Dans l’évangile bien évidemment, mais aussi dans le quotidien, dans un pardon, dans le lâcher prise, dans l’abandon de l’ego, dans l’émerveillement pour la vie. La joie est aussi possible dans un moment de grande souffrance et quelque fois même c’est la souffrance qui conduit à la joie. La joie, signifie aussi l’acceptation de nos parts d’ombre et elle prend racine dans la place accordée à l’autre.
→ Mais nous pouvons aller plus loin : si nous avons entrevu « le comment » de la joie, quel en est son « pourquoi » ? Quelle est la source de la joie ? La question est désormais de savoir quelles peuvent être l’impulsion, la muse, le souffle de cette joie qui peut arriver dans les circonstances les plus éprouvantes ?
Le pourquoi de la joie : l’itininéraire de notre âme
Repensons à St François d’Assise et cette fois-ci à sa rencontre avec le lépreux qui est un moment fondateur de sa conversion et dont il disait ceci : « Voici comment le Seigneur me donna à moi, frère François, la grâce de faire pénitence. Au temps où j’étais encore dans le péché la vue des lépreux m’était insupportable, mais le Seigneur lui-même me conduisit parmi eux, je les soignais de tout mon cœur et au retour ce qui m’avait semblé si amer c’était changé en moi en une douceur pour l’esprit et pour le corps ».
Je pense que St François d’Assise en soignant le lépreux avec amour a adhéré à sa condition, et que la joie qu’il a connue n’est autre que le résultat d’un partage qui a permis une communion. À la source de ce bonheur, il n’y a pas l’esprit, il n’y a pas le corps, mais il y a l’âme.
À partir de l’exemple de St François d’Assise on peut conclure que la joie n’est pas dans la conquête de l’esprit, ni dans celle du corps ; la joie est la conquête intérieure de l’Amour qui permet à l’âme de s’exprimer. La joie est finalement le résultat d’un échange, non d’esprit à esprit, non de corps à corps, mais d’âme à âme. Lorsqu’il s’agit de joie, d’amour et d’exubérance de la vie c’est l’âme qui en est la source, car d’abord l’âme est reliée à Dieu et ensuite parce que l’âme est reliée au SOI, et non au Moi qui cloisonne, occulte, met l’autre de côté ; alors que le SOI pardonne, embrasse, relie et permet de rencontrer Dieu.
Avec le message de l’âme on entre dans un territoire où règnent la bonté et une grande générosité qui n’en finit pas de se donner. On arrive ainsi à la beauté de l’âme, à la force de l’âme et au rôle qu’elle joue dans la joie. Nous pouvons tous avoir dans nos rencontres un échange d’âme et non d’esprit ou de corps. Cet échange, c’est ce qu’il restera au-delà de la rencontre, le sentiment de ne faire qu’un le temps de ce partage, le temps de cette rencontre.
La vraie joie est la communion, la tendresse, la partage, l’amour retrouvés dans un échange d’âme à âme. C’est ce qu’a vécu St François d’Assise dans sa rencontre avec le lépreux qui lui a permis de trouver une joie douce. La joie n’est donc possible que dans l’itinéraire de notre âme. Il devient alors évident qu’il faille cultiver son âme comme on cultive son jardin, son for intérieur. Pour ce faire laissons l’âme nous travailler pour atteindre la joie. Permettons-lui de nous envahir, de ne penser que par elle, d’aller à sa rencontrer et la rechercher.
→ Le trésor dont parle LA FONTAINE dans « Le laboureur et ses enfants » n’est autre que la richesse de la recherche elle-même. « Remuez votre champ, creusez, fouillez, bêchez, ne laissez nulle place où la main ne passe et ne repasse ». Allons donc en quête de notre âme à la manière de LA FONTAINE, c’est à dire d’une façon acharnée pour ne vivre qu’en son nom. C’est par elle, c’est à dire par Dieu et pour Dieu que l’on rencontrera la joie et l’amour. Ceci nous dépasse, on atteindra plus que la joie ; la plénitude.
→ Citons encore FRANÇOIS CHENG : « Une grande chose a lieu, l’univers, non la vie. C’est là l’unique aventure sublime et tragique. Pour que la vie soit vie, la mort incontournable, seule la Voie ne meurt pas, qui l’épouse à sa part ».
La Voie, c’est tout ce qui se présente à nous, mais c’est aussi Dieu. Pour rencontrer la joie, nous devrons aussi suivre cette voie-là, notre âme et son créateur Dieu. La vie est présente, la joie est là grâce à Jésus et nous observons dans la VOIE cette note d’espérance que l’on vit dans son âme avec Jésus. Plus on s’élève avec Jésus, plus on tombe sans lui. La prière est là pour nous soutenir et nous accompagner, ne l’oublions surtout pas !!! Ne nous laissons pas rattraper par ce monde.
« L’infini n’est autre que le va et vient entre ce qui s’offre et ce qui se cherche »
« L’âme ? C’est bien par elle que la beauté rayonne, c’est par elle qu’en vérité les corps communiquent.»
Francois Cheng
. Images : © Cheminer vers l’essentiel / sauf la photo du moine francicain de Pixabay
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