Plaisir de comprendre

L’amour-propre et le défaut d’orgueil

« Il ne faut pas confondre l’amour de soi-même avec la manière de s’aimer. Premier défaut de l’amour-propre : n’aimer que soi-même. »

d’après Jean de La Placette (1639- 1718). Nouveaux essais de morale tome second,
380 pages, google book gratuit . (écrit en ancien français) 

→ Peinture-file du domaine public. Pieter Bruegel the Elder- The Seven Deadly Sins or the Seven Vices – Pride.JPG

 

• Pages 10-11 :

« (…) On dira peut être que si l’amour-propre est aussi naturel et aussi équilibré , comme je le disais précédemment, il ne sera pas possible de le régler. Mais c’est là une conséquence que je n’admets point. Tout ce qu’on remarque dans l’amour-propre n’est pas naturel.

Tous les désordres viennent d’ailleurs que de la nature. C’est notre aveuglement, c’est notre injustice qui les produit, et rien n’empêche qu’on les réforme en laissant subsister ce qui vient de Dieu.
En un mot il ne faut pas confondre l’amour de soi-même avec la manière de s’aimer.

Il ne dépend pas de nous de nous aimer, mais il dépend de nous de nous aimer de telle ou telle façon, bien ou mal, Sagement et judicieusement, ou d’une manière aveugle et imprudente, en recherchant des biens faux ou véritables, réels ou apparents, et tels ou tels des uns et des autres.

Il en est à peu près de même que de la pensée. Nous ne pouvons nous empecher de penser, mais il dépend de nous de penser à tel, ou à tel objet, d’y penser fortement, ou de nous y appliquer plus longtemps.
Il est impossible de même que nous ne nous aimions. Mais nous pouvons nous aimer fort diversement et en plusieurs façons. Ainsi il n’y a point de règle à suivre, ni de précautions à prendre pour le premier, mais il y a diverses choses à observer pour le second.
Il y a divers manquements à éviter, et divers désordres à réformer. Je vais tâcher de marquer les plus dangereux, et donner sur cela les avis que je crois les plus salutaires . »


• Pages 11-12-13 :

« Premier défaut de l’amour-propre. N’aimer que soi-même »

Le premier de règlement que je remarque dans l’amour-propre, c’est qu’il remplit de telle sorte la capacité de l’âme, qu’il n’y laisse point de place, soit pour l’amour de Dieu, soit pour l’amour du prochain. On n’aime que soi-même, comme si on ne voyait ailleurs rien d’aimable. Défaut capital. Car enfin Dieu veut bien qu’on s’aime, mais c’est à condition qu’on l’aime aussi, et qu’on aime ses chers enfants.

Si on prétend se dispenser de cette loi, si on veut n’aimer personne, il faut se résoudre à n’être aimé de personne, il faut nous passer des autres, si nous voulons que les autres se passent de nous. Voyons si cela se peut et si nous y voyons notre avantage.

Premièrement :

Que deviendrons-nous si Dieu ne nous aime point ?
Que nous restera-t-il s’il retire tous ses bienfaits ?
Que feront-nous si nous laissant les bienfaits que nous avons reçus, il cesse d’en répandre de nouveaux sur nous?
Dans quelle que ce soit de ces suppositions ne périssons-nous pas? Car n’est il pas vrai que l’air n’a pas plus de besoin d’une illumination perpétuelle pour ne pas tomber dans les ténèbres, que nous avons besoin d’une effusion non interrompue des faveurs de Dieu pour ne pas tomber, soit dans le néant, soit dans la lumière ?

Deuxièmement :

Le secours des hommes ne nous est pas à la vérité aussi nécessaire que celui de Dieu ?
Mais il est toujours vrai qu’il nous est impossible de nous en passer. Les plus riches, les plus puissants périssent, si nous les autres s’accordent à ne rien faire pour eux. En effet, tant de choses nous sont nécessaires, nous en trouvons si peu nous-même, et nos forces sont si bornées et si peu en état de nous procurer ce que nous n’avons pas, que si les autres ne nous assistent pas nous sommes perdus. C’est par les secours que les hommes se donnent les uns aux autres qu’ils s’affranchissent en quelque façon des misères qui les accablent dans la solitude, ou dans une société, où chacun ne travaillerait que pour soi.
Nous avons donc besoin que Dieu nous aime. Nous avons besoin que les hommes travaillent pour nous.
Quoi donc de plus juste que d’aimer Dieu, et de travailler pour les autres ? (…) Le premier défaut qui se remarque dans l’amour-propre, c’est de réserver toute la bienveillance pour soi, et de n’en faire part à personne . »


• Pages 13-14 :

« Second défaut. N’aimer rien que par rapport à soi-même »

Le second défaut, qui a beaucoup de liaison avec le premier, c’est de n’aimer rien que par rapport à soi-même. C’est de s’établir soi-même le centre de tout. C’est vouloir être la dernière, ou pour mieux dire l’unique fin de toutes choses, rapportant tout à soi, et ne se rapportant à rien. Il n’est pas en effet de l’amour de désir comme de celui de bienveillance. Il est aisé de refuser celui-ci à tous les autres objets, et de le réserver tout entier à soi. (…) Voici donc ce qu’il fait. Il s’attache aux choses qui lui paraissent utiles ou agréables. Il s’attache même aux personnes, il les aime, mais d’un amour intéressé , et qui tend, non à leur faire du bien, mais à en recevoir, ne les aimant qu’à cause du plaisir et des avantages qu’on espère d’en retirer.
Pour remédier à ce désordre il ne suffit pas d’aimer véritablement, et sans intérêt, Dieu et son prochain.
Il faut encore rapporter tout ce qu’on désire, il faut se rapporter soi-même, à Dieu et au prochain.
Il faut souhaiter les biens dont nous ne pouvons nous passer, il faut , les souhaiter pour vivre, pour subsister, pour agir, et il faut souhaiter de vivre, de subsister, d’agir, pour la gloire de Dieu, et pour le bien du prochain, tâchant de servir l’un, et d’assister l’autre de toutes nos forces. (… ) »


• Page 16 > Troisième défaut de notre amour-propre : se préférer à tout.

• Page 28 > Quatrièmes défaut : Nous tromper dans les jugements que nous faisons de nous-mêmes. (se préoccuper d’une opinion excessivement avantageuse de son mérite).

• Page 32 > Cinquième défaut : Aimer en nous ce qui n’est nullement aimable.

• Page 34 > Sixièmes défaut : Aimer moins ce qui est plus aimable.

• Page 38 > Septième défaut : Ne pas procurer les plus excellents biens à ce que l’on aime : l’âme et le corps. (Il s’agit ici de les aimer d’une manière sage et judicieuse)

• Page 44 > Huitième défaut : Rechercher des biens qui ne nous appartiennent pas, ou qui ne nous conviennent point. « Tels sont ceux qui sont trop grands et trop excellents pour des créatures, par exemple l’indépendance, la connaissance de l’avenir, la toute puissance. Dieu peut les accorder aux créatures mais l’humilité et la modestie ne permettent pas d’y prétendre.
Par exemple: le pouvoir de faire des miracles, les révélations immédiates, …


 Conclusion 

Pour vivre de façon respectable, à sa place dans l’humilité, Jean La Placette nous conseille de bien conduire chacune de nos actions. Il nous invite à la saine curiosité ; celle qui nous instruit sur ce qui nous est véritablement bénéfique. Il nous exhorte d’apprendre à distinguer dans chaque chose, ce qui est bon et mauvais, utile et inutile, ou nuisible. Ainsi nous nous éloignerons des rives de l’orgueil ; source de tous nos malheurs.


 Que dit la bible sur l’orgueil ?

Proverbes chapitres 6 ; versets 16 à 19

Pr 6:16 – « Il y a six choses que hait Yahvé, sept qui lui sont en abomination :
Pr 6:17 – des yeux hautains, une langue menteuse, des mains qui répandent le sang innocent,
Pr 6:18 – un cœur qui médite des projets coupables, des pieds empressés à courir au mal,
Pr 6:19 – un faux témoin qui profère des mensonges, le semeur de querelles entre frères. »


 >> À lire : Le danger de l’abus de confiance en soi

Un commentaire sur “L’amour-propre et le défaut d’orgueil

  1. Your article helped me a lot, is there any more related content? Thanks!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *